« Circulaire plutôt que linéaire : bâtir ainsi, c’est gagner sur deux fronts »
Pourquoi la pensée circulaire devient la nouvelle base de l’industrie de la construction et de l’immobilier – écologique, économique et stratégiquement.
Depuis des décennies, l’économie suit le principe «extraction, production, consommation, élimination». Ce modèle linéaire a certes apporté de la croissance, mais il a également coûté des ressources, du climat et de la viabilité future. Aujourd’hui, il apparaît clairement que ceux qui misent uniquement sur des matières premières limitées perdent en prévisibilité et en compétitivité.
La pression exercée par les législateurs et le secteur financier s’intensifie également de manière notable. La taxonomie de l’UE exige ainsi des preuves en matière de préservation des ressources et d’empreinte carbone. En Suisse, les premières directives sur l’énergie grise sont introduites, notamment dans le secteur du bâtiment. Et les banques exigent des stratégies circulaires, non par idéalisme, mais pour des raisons d’évaluation des risques.
Les matières premières: un risque et une opportunité
Mais la durabilité ne se limite pas à la réduction des émissions de CO₂. Elle commence par une question fondamentale: s’agit-il uniquement des émissions? Ou bien faut-il également prendre en compte des aspects tels que la préservation des sols, les aspects sociaux, le développement des quartiers et la longévité des bâtiments? L’exigence générale de «construire moins» est insuffisante. Nos infrastructures vieillissent. La population augmente. Les besoins en logements, en bâtiments scolaires et en infrastructures énergétiques augmentent. Nous devons construire, mais différemment: en tenant compte de la longévité, de la modularité et de la possibilité de démolition.
Selon la Banque mondiale, la quantité mondiale de déchets va presque doubler d’ici 2050. En Suisse, le secteur de la construction est responsable d’une grande partie des déchets. Dans le même temps, des millions de tonnes de matériaux précieux.
Le recyclage du béton est aujourd’hui la norme. Les débris de béton ne sont pas des déchets, mais une ressource. L’industrie suisse du béton donne l’exemple: elle recycle près de 85% des débris de béton produits, que ce soit sous forme de nouveau béton, d’additif ou de produit innovant dans les matériaux isolants. Il est remarquable que ce secteur soit en tête du classement européen. De plus, dans le cas du béton, l’économie circulaire commence beaucoup plus tôt: le recyclage des déchets comme combustibles et matières premières alternatifs dans la production de ciment, le composant le plus important du béton, contribue déjà de manière significative à la durabilité.
Au lieu de critiquer et de rejeter le béton, nous devrions l’utiliser de manière responsable et le considérer comme une partie de la solution. Ce qu’il faut, ce sont des bâtiments durables qui peuvent en même temps s’adapter de manière flexible aux nouvelles exigences. La durabilité et l’économie circulaire commencent par la question de savoir quels facteurs nous mesurons et lesquels nous ne mesurons pas. Le CO₂ est un aspect important, mais ce n’est pas le seul. Une structure porteuse durable en béton qui dure un siècle est souvent plus écologique qu’une construction légère à courte durée de vie. Ceux qui ne comptent que les émissions ignorent des facteurs, tels que la conservation des ressources, la sécurité d’approvisionnement, la flexibilité d’utilisation, les coûts de démolition ou la qualité urbanistique. C’est dangereux, surtout dans un pays urbanisé comme la Suisse.
Ce que les décideurs peuvent faire dès maintenant
L’économie circulaire ne commence pas par la démolition, mais dans les bureaux de la direction. Donc dans des domaines tels que la planification stratégique, les achats ou le développement de projets. Il est important de commencer par mettre en évidence les conflits d’objectifs. Ce qui semble coûteux à court terme permet de réaliser des économies à long terme. Et le calcul des coûts du cycle de vie en vaut la peine. Parallèlement, il est important de réfléchir stratégiquement au patrimoine immobilier: la préservation et la poursuite de la construction constituent un levier important. L’intégration des structures existantes permet souvent d’économiser des ressources primaires. Enfin, il convient d’utiliser des matériaux recyclés. Il faut toujours garder à l’esprit la situation dans son ensemble, car l’économie circulaire n’est pas une fin en soi. Elle doit être économiquement viable, techniquement réalisable et convaincante sur le plan conceptuel. Il en va de même pour les systèmes de matériaux, qui doivent toujours être considérés ensemble. En effet, le béton n’est pas en concurrence avec les autres matériaux de construction. Et l’économie circulaire signifie aussi: trouver des synergies et ne pas polariser un seul matériau.